Depuis que je vivais à Honolulu, j'avais pris l'habitude de venir me balader sur la plage parfois tard le soir, parfois en pleine journée. Ca dépendait de mon humeur.

Allongé sur le sable, lunettes de soleil sur le nez, je profitais du soleil. J'adorais ça. La chaleur n'était jamais insupportable ou désagréable grâce à l'air marin qui apportait constamment de la fraîcheur. Je tombais rapidement dans mes rêveries habituelles puis dans mes souvenirs. Je me rappelais de la première fois où j'étais venu ici, à Honolulu : j'étais un tout jeune auteur, j'étais encore inexpérimenté, un peu nerveux de voir tant de monde et pas franchement certain d'être bon romancier. Une fille s'était détachée dans toute cette foule. Elle s'appelait Sameen -Oui, j'avais une bonne mémoire pour les prénoms car j'avais tendance à les reprendre dans mes romans mais en l'occurance, je n'avais jamais utilisé ce prénom-ci-. J'avais dragué cette fille, après voir un peu trop bu, et j'avais couché avec elle. Je ne me rappelle plus de grand chose mais, avec le temps, je me suis demandé quel âge elle pouvait avoir. Je crois bien qu'à l'époque elle était mineure et... J'étais peut-être sa première fois. Cette histoire s'était déroulée quelques temps avant ma relation secrète avec Hannah. Et je ne pensais pas une seconde que je reverrais cette jeune femme, Sameen, ou même que quelque chose était né de cette relation. Pour être exact, cette relation d'un soir donna deux fruits.

Bien tranquille sur la plage, j'étais à deux doigts de m'endormir quand on me marcha en plein sur l'abdomen. Brutalement, je manquais d'air mais ce fut très temporaire. Puis, j'entendis les cris et les rires de deux enfants avant que l'un d'eux -celui qui m'avait « involontairement » marché dessus- ne s'excuse. Je me redressai sur les coudes et détaillai les enfants : un garçon et une fille du même âge, ils se ressemblaient beaucoup mais quelque chose de plus troublant me sauta aux yeux. Le garçon me ressemblait comme deux gouttes d'eau quand j'avais son âge. Je ne pensais pas qu'il y avait un quelconque lien de parenté entre lui et moi, non. Je me souviens tout d'abord d'un article que j'avais lu sur internet : à ce qu'il paraissait, nous avions tous un certain nombre de sosie sur terre et peut-être que cet enfant était un de mes « sosies ». J'adressais un sourire aux enfants et un « C'est pas grave, les enfants! » puis j'entendis une voix féminine. Je me tournais alors pour voir qui parlait et là, je restais bloqué. Il me semblait bien reconnaître là Sameen. Je restais alors bouche bée, incapable de prononcer le moindre mot. Si c'était bien elle, j'étais maintenant sûr d'avoir fait un détournement de mineur quand j'avais couché avec elle il y a près de 10 ans maintenant.

Les deux enfants semblaient avoir immédiatement oublié l'incident pour retourner jouer. L'insouciance de l'enfance me manquait cruellement. Surtout quand je pressentais que j'allais avoir des emmerdes. Je relevais mes lunettes pour les poser sur ma tête alors que la femme, la mère des deux enfants, me parlait.

Ok... C'était bien celle que je pensais et elle m'avait reconnu. J'avais prié pour me tromper, pour avoir remis une tête sur un nom mais je ne m'étais pas trompé. Je me tournais un instant vers les deux enfants avant de relever les yeux vers Sameen.

« Bonjour. C'est pas grave, j'adore les enfants même si ce n'est pas très agréable de se faire marcher dessus... Bref, ça va, Sameen. Vu ce qu'on a vécu ensemble, je crois que le vouvoiement est de trop, non ? », fis-je sans prendre la peine de confirmer mon identité. Elle m'avait reconnu, c'était suffisant, non ?

Pendant quelques instants, je n'osai plus parler. Je ne savais pas que lui dire. « Tu ne veux pas t'asseoir ? Alors, tu as deux enfants... Tu as vraiment de la chance... Ils ont quel âge ? Euh... Tu sais, je suis désolé pour ce qu'il s'est passé entre nous : je ne pensais pas que tu étais si jeune à l'époque... Si j'avais su, je n'aurais pas été aussi insistant... ». Je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'elle me dise que les deux enfants étaient les miens mais au fond, je savais que je n'étais pas étranger à leur conception.

Je ne savais pas vraiment ce qu'elle pouvait penser de moi alors, dans une vaine tentative de me montrer sous mon meilleur jour, je lui lançais un sourire chaleureux.