Honolulu me déstabilisait encore. Il fallait dire que cela ne faisait pas une éternité que j’étais arrivée, et que pour le moment, mon passage n’était que temporaire. Effectivement, maintenant que je savais que j’allais commencer à étudier en ces lieux dès septembre, j’étais venue dans un premier temps avec mes parents pour trouver un appartement, tenter de m’installer, trouver mes repères tant bien que mal, même si c’était encore difficile. Puis, mon père et ma mère étant repartis, puisque je n’étais quand même pas leur seule enfant, même si selon eux, je restais leur bébé, je me retrouvais seule, avec ces quelques connaissances que je m’étais faite ces derniers jours et sur lesquels je comptais beaucoup. L’une d’entre elles, je la trouvais en la personne de Sameen, cette jeune femme de quelques années ma cadette et qui était déjà enceinte jusqu’aux oreilles lorsque je l’avais rencontrée. Cela ne m’avait pas gênée, pas du tout, même si, alors que je prenais consciente que bientôt, elle aurait deux enfants qui prendraient tout son temps, je me rendais compte que je risquais de la perdre. Cela me faisant un peu peur pour le coup, j’avais décidé de profiter de chaque moment que je pouvais saisir avec elle, à commencer par aujourd’hui, où je n’avais pas grand-chose de prévu et que par conséquent, j’avais décidé d’aller prendre de ses nouvelles, voir si elle avait un peu de temps afin qu’on discute de tout et n’importe quoi comme j’avais commencé à apprécier à faire avec elle. De ce fait, je m’étais présentée à l’improviste chez elle, une boîte de muffins achetés à la pâtisserie non loin à la main, et heureusement pour moi, elle ne m’avait pas jetée dehors sous prétexte qu’elle avait autre chose à faire, ou encore parce qu’elle était trop fatiguée pour voir quoi que ce soit. Sitôt que je fus entrée dans la demeure, nous nous installâmes au salon avec les muffins et des verres de lait – puisque j’avais fait exprès de ne pas demander un café afin de ne pas la gêner, vu sa grossesse qui l’empêchait d’en boire – à discuter de tout et n’importe quoi. Heureuse de passer ce moment en compagnie de la jeune femme, j’en profitai à un tel point que je ne vis pas le temps passer, tout simplement parce que je m’amusais, et tout se passait pour le mieux. Enfin, ce fut ce que je pris pour acquis jusqu’au moment où, sans crier gare, je vis mon amie grimacer étrangement, clairement pas en raison d’un muffin qui pourrait avoir mauvais goût. Légèrement inquiète pour le coup, compte tenu de sa condition, je lui demandai alors, par réflexe : « Sam’, ça va ? » tout en reposant mon verre sur la table basse, déjà prête à intervenir en cas de besoin, puisque c’était devenu un réflexe dans mon cas, vu ma formation précédente, même si, pour tout dire, je ne pensais pas m’en servir dans le cas présent, ou du moins, pas pour le moment.

Un petit sourire timide et amusé franchit la barrière de mes lèvres au moment où Sam’ chercha à me rassurer en me disant que c’était que les bébés qui s’amusaient à gigoter dans son ventre proéminent, que je n’avais pas à m’inquiéter des grimaces qu’elle était en train de faire. J’avais beau ne pas être la plus expérimentée niveau enfants, et je ne savais même pas encore à ce moment si j’en aurais – même si j’en voulais, c’était certain – et combien j’en aurais, je savais très bien que les bébés pouvaient bouger dans le ventre de leur mère et qu’à un certain point, la mère pouvait les sentir. Puisque Sameen était à un stade avancé de sa grossesse, il était certain qu’elle devait les sentir depuis un moment, et d’une certaine façon, je tentais de me conforter dans cette idée en me disant que mon amie savait ce qu’elle faisait et que si jamais quelque chose venait à ne pas aller avec elle, elle aurait la présence d’esprit de me le dire. Maintenant assurée que je pouvais continuer à discuter avec elle, peut-être même détourner le sujet un peu plus sur sa grossesse qui approchait de la fin, je cherchai aussitôt ce que je pourrais dire exactement, mais avant que je dise quoi que ce soit, je vis mon amie grimacer à nouveau, et je l’entendis me dire qu’en fait, ça n’allait pas, que le moment était venu. Dans un premier temps, c’était comme si je ne réalisais pas ce qu’elle me disait. Je demeurai assise dans le fauteuil, les yeux écarquillés, puis quand je croisai le regard de Sameen, je la considérai alors horrifiée, et je m’exclamai : « Oh mon Dieu ! Maintenant ! »Sitôt, je bondis de mon siège, mais je ne fis pas plus que deux ou trois pas, tournant en rond en cherchant quoi faire, n’étant pas du tout prête à cette éventualité. Pourtant, je devais faire quelque chose, je n’avais pas le choix. « Bon… Je dois faire quoi ?! Tu as un sac de prêt ? Est-ce que je dois t’aider à lacer tes chaussures !? Je t’emmène en voiture ou je dois appeler une ambulance !? » Il était évident que je ne savais pas quoi faire dans la situation présente, et cela faisait de moi la pire assistante d’accouchement du monde en ce moment, mais une chose était certaine, c’était que je voulais aider mon amie autant que possible. Il fallait juste qu’elle me dise quoi faire, parce qu’autrement, je ne pouvais pas le deviner, jamais je n’avais été dans une situation pareille avant aujourd’hui.